Dimanche 10 mars 2013. Je me repose dans un bain brûlant à l’hôtel Hinterland afin d’évacuer la fatigue de la veille. Photographe de mariage jusqu’au bout de la nuit (enfin jusqu’a ce que les mariées se pieutent) je suis tombé sur une joyeuse bande de fêtards qui ont poussé les festivités jusqu’à 6 h ce matin. Il est maintenant presque midi, le père de la mariée va passer afin de me conduire sur le lieu du brunch avant le carnaval de Bergues ou je poursuis le reportage.
Les commanditaires ont eu le bon goût de prolonger ma prestation. Et ils font les choses bien… Je suis logé dans une chambre confortable à moins de 10 minutes du lieu de la fête et bien fourni en Redbull.
Certains étaient bien allumés en fin de nuit et je suis impatient de les retrouver pour comprendre ce qu’ils voulaient dire quand ils parlaient de faire la bande de Bergues.
13 h : Les parents de la mariée me semblent inquiets pour moi et mon matériel photo ; ils me recommandent fortement de ne pas faire le chahut car… euh… c’est pas dangereux mais hmm… Je ne sais pas ce qu’ils entendent par faire chahut mais ça peut pas être pire qu’un concert de Gogol Bordelo. Je m’enfile rapidement une bière et un rhum histoire de me mettre dans l’ambiance. Un oncle me verse de grande rasade d’un alcool de menthe qu’il confectionne. Le truc doit bien taper dans les 50° et se marie assez mal avec ma bière.
Enfin la bande se prépare… en jaune et noir ! Parfait, je pourrai facilement les repérer.
Je me retrouve dans la bonne voiture (celle des gros fêtards) à rouler pour le chauffeur tout en finissant ma bière.
Le carnaval n’a pas commencé et je flotte déjà… L’excitation est forte. Je m’inquiète un peu à l’idée de croiser la maréchaussée qui aurait forcément à redire à la vue de notre équipage. Mais en guise de comité d’accueil, la ville a prévu une pseudo sécurité bienveillante qui souhaite seulement ne pas voir de bouteilles en verre.
Premier bain ; je comprends pas ce qui m’arrive … je regarde passer la fanfare en pensant à mes réglages, nécessaires pour ajouter un peu de relief à ce temps nuageux, puis grosse bousculade ; je n’ai que le temps de me réfugier sous un porche. J’en oublie mes compagnons et me retrouve bloqué, mes guides viennent me récupérer et m’extraient de la masse. Je fends la foule à leur suite. Finalement ne pas perdre la bande risque d’être plus ardu que prévu. Pourtant la ville ne me semblait pas bien grande sur google maps.
Je retrouve la bande sous le beffroi et change vite d’objectif pour un 16mn. Il n’y a que ça qui peut passer. On ne pourra pas me reprocher de ne pas être assez près.
Après quelques chansons, la bande se rassemble, puis s’élance à la poursuite de je ne sais quoi, bras dessus bras dessous… On se compacte, c’est le premier chahut et je ne comprend pas. Il n’y a ni rétrécissement, ni animation, mais il se crée une bonne bousculade. Ca reste bon enfant, mais je dois faire gaffe de n’assommer personne avec mon appareil.
Je suis englué dans la masse et même mon 16mn ne me donne plus assez de recul pour travailler… Il me faudrait de la hauteur !
Je me sens protégé de la pression par mon lourd manteau militaire russe… Le truc qui me permet d’être confort par temps bien froid… Et il fait froid et humide, mais là j’ai trop chaud… Je pense aux manchots qui font de grandes danses en spirale pour conserver la chaleur… Il faut que je sorte de ce bourbier. Je montre ostensiblement mon appareil photo, on me laisse progresser vers l’avant, vers une ligne de parapluies multicolores.
Je comprends enfin les raisons de la bousculade… De gros bras forment une ligne infranchissable pour créer le chahut. J’aime quand l’explication est aussi simple. La raison du chahut, c’est la volonté d’organiser un chahut ! Et quelle organisation !
Je progresse encore jusqu’à la fanfare et j’aperçois celui qui doit être le tambour major. Tout est orchestré… Il y a des mots magiques ; le tambour major donne le signal et un musicien entonne un chahut avant d’être repris par le reste de la troupe…
Je grimpe sur un poteau pour avoir une idée de la foule et peut-être retrouver la bande… à perte de vue un champ de chapeaux bariolés… Une foule d’anonymes bigarrés dans une rue pittoresque.
Pas de trace de la bande et j’ai besoin de calme. Je m’éclipse dans une rue parallèle.
Je rencontre un carnavaleux qui veille sur ses deux amis qui comatent à terre, ivres morts. Je refuse de les prendre en photo au motif – étrange – que je travaille. Je nous prends en autoportrait pour briser la glace. Le carnavaleux doute que je sois en train de travailler et s’amuse de ma gueule de parisien. C’est alors que débarque un gang de sexy-flics-motards californiens. Le taff reprend.
Je tripe sur les tenues écossaises qui me donnent envie de m’enfiler une bière. Et justement, je retrouve la bande. Sans que j’ai besoin d’ouvrir la bouche on me colle une Kro dans la main.
Puis on file dans un bar ou je pensais impossible de rentrer, tant la foule y est dense. J’y bois les Ricard les plus corsés que j’ai jamais bu. 2 € le verre, au moins les tenanciers sont fairplay ! De toute façon ici je suis un éternel invité qui gère son alcoolémie pour continuer à travailler.
Je perds le fil du temps dans le bar, mais les mariés me rappellent avec 30 min d’avance que j’ai rendez-vous à la sortie de la ville pour rentrer à Paris.
Sortir est plus corsé que d’entrer. Ne voyant pas d’autre solution que de bousculer la foule pour atteindre la porte, je tente de me frayer un passage dans la cohue. C’est parce que je ne suis pas costumé ? Trop parisien ? Trop photographe ? Je me fais stopper net par un carnavaleux qui m’explique fermement qu’il ne veut pas être bousculé.
J’ai à nouveau besoin d’un guide. Je ne suis décidément pas autonome dans ce carnaval. Je laisse la voie se faire ouvrir par la bande et je m’esquive vers la sortie de la ville.
Certains s’inquiètent de savoir si on peut acheter des places pour le bal. Je regrette de ne pas pouvoir poursuivre. Les places semblent prisées et certaines rumeurs prétendent même accessibles à la revente (une première paraît-il)… Je vais manquer le rigodon final et un paquet d’autres trucs qui s’achèveront tard dans la nuit.
Note : Je découvrirai plus tard qu’il existe même un manuel du comportement approprié sur la page Carnaval de Dunkerque de Wikipedia.
Selon le site http://www.bergues.biz/carnaval/ sur la ville de Bergues, 21 432,5 personnes ont participé au carnaval 2013
L | M | M | J | V | S | D |
---|---|---|---|---|---|---|
1 | ||||||
2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 |
9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 |
16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 |
23 | 24 | 25 | 26 | 27 | 28 | 29 |
30 |